28.08 — 29.11.2020

Reena Spaulings

Reena Spaulings est apparue pour la première fois comme un personnage de fiction dans le roman éponyme de Bernadette Corporation. L’artiste émane du fonctionnement quotidien de la galerie Reena Spaulings Fine Art à New York, fondée par John Kelsey & Emily Sundblad. À la fois artiste et marchande, Reena Spaulings, par sa double identité, peut jouer avec les divisions du travail dans le monde de l’art, souvent avec des effets satiriques. Elle incarne ainsi une alternative provisoire au rôle de l’artiste tel que l’exige le marché et ses notions d’authenticité.

Reena Spaulings, Lion Hunt, 2019
Acrylique et pigment sur tissu jaune à « haute visibilité »
Courtesy de l’artiste et  Campoli Presti

Installée dans tous les lieux de Traits d’union.s, la série Lion Hunt [Chasse aux lions] (2019) s’inspire de l’œuvre éponyme d’Eugène Delacroix, La chasse aux lions (1855), qui fut gravement endommagée en 1870 lors d’un incendie au Musée des Beaux-Arts de Bordeaux. L’original de Delacroix était une vision profondément orientaliste du conflit violent entre les humains et les animaux, structurée selon des harmonies de couleurs primaires : rouge, jaune, bleu. En tant que collectif d’artistes, personnage fictif et galerie fondée dans le New York de l’après-11 septembre 2001, la nature hybride de Reena Spaulings l’amène souvent à jouer avec les conditions sociales de l’art lui-même. Ici, les interprétations que Spaulings fait de Delacroix sont toutes basées sur un jaune extrêmement visible. Non seulement cette palette rend impossible les harmonies de couleurs traditionnelles, mais elle évoque aussi les vestes de secours portées par les Gilets Jaunes – un mouvement de protestation complexe, contemporain de l’organisation de Manifesta 13 Marseille. Par ce tour habile et tape-à-l’œil, Spaulings semble établir des parallèles entre conflit visuel et conflit social. Tout comme dans l’original de Delacroix, on ne sait pas bien qui en sortira vainqueur.

Reena Spaulings, Mollusk (Rosso Francia) and Mollusk (Verde Foresta), 2019
Marbre Rosso Francia et Verde Foresta
Courtesy de l’artiste et Campoli Presti

Dans l’entrée du Musée Cantini, le public rencontre une série de bodyboards sculptés dans le marbre. Bien qu’incongrus au premier abord, ils font subtilement écho à l’histoire de l’établissement, qui fut nommé en l’honneur du riche marbrier Jules Cantini. En effet, ce dernier fit don du bâtiment qui constitue le musée actuel à la ville de Marseille en 1916. Ces œuvres ont d’ailleurs été produites dans le cadre d’un accord passé avec un autre marbrier, Josef Dalla Nogara, qui a accepté de fournir les matériaux et de confectionner les pièces en échange de quelques exemplaires supplémentaires pour sa collection. L’historique de ces œuvres, intitulées Mollusks |mollusques], mis en parallèle avec celui du musée, souligne avec impertinence la position de l’art au sein de l’économie dans son ensemble : les mollusques sont souvent des animaux des bas-fonds. En outre, leur forme paradoxale – des bodyboards incapables de flotter – évoque plutôt des pierres tombales, qui symbolisent la dernière demeure du travail mort.

{"autoplay":"true","autoplay_speed":"3000","speed":"300","arrows":"true","dots":"true","rtl":"false"}