Née en 1982, Allemagne, Jana Euler vit et travaille à Francfort et à Bruxelles. Son œuvre se distingue par des choix esthétiques non conventionnels. Alternativement cohésive et incohérente, elle utilise souvent la « laideur » comme paramètre visuel et refuse tout style ou toute signature particulière. Euler se tient ainsi à l’écart d’une demande exigeant que les artistes soient des marchandises toutes faites. Assez souvent, ses travaux parodient les caractéristiques de la peinture masculine et réfléchissent de façon critique aux dimensions historiques et sociales de son moyen d’expression.
Jana Euler (1982, DE), Radieuse, 2016
Huile sur toile
Collection privée, Londres
Courtesy de l’artiste et Galerie Neu, Berlin
De 1947 à 1952, Le Corbusier construit l’Unité d’habitation (Cité Radieuse) à Marseille. Conçue comme une « machine vivante » autonome, ce complexe immobilier s’inscrit dans la vision utopique de Le Corbusier d’une architecture puriste et autosuffisante, où chaque aspect de la vie a été rationalisé. Dans Radieuse, l’artiste allemande Jana Euler met en contraste l’architecture austère de Le Corbusier avec l’image d’un – ou deux ? – chameau(x) parfaitement oisif(s). Ces créatures à la fois mignonnes et comiques évoquent des images stéréotypées de l’Afrique et du Moyen-Orient. Par cette simple juxtaposition, Euler semble comparer la démesure du modernisme utopique de Le Corbusier à celui de l’entreprise coloniale européenne : Le Corbusier a, par exemple, collaboré avec Benito Mussolini pour planifier l’implantation de colonies italiennes à Addis-Abeba, en Éthiopie. Mais, alors que les plans ordonnés de l’édifice s’estompent derrière les détails pléthoriques du pelage abondant du chameau, Euler fait également allusion à l’indiscipline supposée de l’autre « oriental » qui a tenu tant de modernistes – de Picasso à Matisse, en passant par Klee et Kandinsky – sous son emprise.