Wilfredo Lam (1902-1982, CU) entre à l’académie Alejandro, à La Havane, avant de partir en 1923 pour Madrid, où il partage son temps entre l’atelier de Fernando Álvarez de Sotomayor et le musée du Prado. Après s’être engagé aux côtés des républicains pendant la guerre civile de 1936, il quitte, deux ans plus tard, l’Espagne pour la France, et est accueilli par Picasso, sur recommandation le sculpteur catalan Manolo Hugué. L’occupation de la capitale par l’armée allemande le pousse en juin 1940 à gagner Marseille, où il rejoint le groupe d’artistes réuni.e.s par Breton à la villa Air-Bel. Il y dessinera notamment les figures d’Alice et de Lautréamont pour le Jeu de Marseille. Quittant la ville à bord du Capitaine Paul Lemerle, il arrive en avril 1941 à Fort-de-France en Martinique, où il rencontre le poète Aimé Césaire qui vient de publier quelques fragments du Cahier d’un retour au pays natal. En juillet 1941, Lam retrouve Cuba après dix-huit années d’absence. Les peintures qu’il réalise en 1942-1943 témoignent de la richesse et de la complexité de son univers mental, dont les racines se développent à travers les cultures caribéennes, africaines et européennes.
Dessins collectifs surréalistes
Après mai 1940, Marseille accueille des réfugié·e·s de toute l’Europe attendant de fuir vers les Amériques. Parmi eux·elles, de nombreux·ses artistes, musicien·ne·s, écrivain·e·s et penseur·se·s trouvèrent refuge à la Villa Air-Bel, géré par le journaliste américain Varian Fry avec le soutien du Comité Américain de Secours (aujourd’hui nommé l’International Rescue Committee). Dans cette vaste demeure, il·elle·s attendent le moment où ils pourront s’échapper. Victor Serge baptisa même la spacieuse bastide « Château Espère-Visa ».
La villa voit passer des personnalités comme André Breton, Jacqueline Lamba, Oscar Dominguez, Victor Brauner, Jacques Hérold, Wifredo Lam, Max Ernst, André Masson et Marcel Duchamp. André Gomès tient le journal photographique du petit groupe. Dans la grande bibliothèque, le groupe s’adonne à de nombreuses activités collectives et ludiques : lectures, jeux, charades et anagrammes en tout genre, notamment les fameux cadavres exquis, que Breton définira plus tard comme « un jeu de papier plié qui consiste à faire composer une phrase ou un dessin par plusieurs personnes, sans qu’aucune d’elles ne puisse tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes ». Dans l’exemple classique qui a donné son nom au jeu, la première phrase est « cadavre exquis-boire-vin-nouveau ». Le jeu, à l’origine littéraire et poétique, inclura bientôt dessins, collages et fragments photographiques.