28.08 — 29.11.2020

Tuan Andrew Nguyen*

Le travail de Tuan Andrew Nguyen, né en 1976 au Vietnam, explore le pouvoir du récit et expérimente les limites des constructions narratives. Ses projets reposent sur une recherche approfondie et un engagement auprès des communautés avec lesquelles il travaille pour devenir des images et objets en mouvement. Il utilise des stratégies de résistance politique, mises en œuvre à travers la contre-mémoire et la post-mémoire, où fantômes et mauvais souvenirs se heurtent aux histoires dominantes, souvent coloniales. Les faits et la fiction sont tous deux tenus pour responsables dans des récits qui imaginent des rencontres s’étendant sur le temps, les lieux et les frontières. 

Tuan Andrew Nguyen, Crimes de solidarité, 2020
Vidéo  71’
Participant·e·s : Blessing Enuagu, Tega Enuagu, Sekou Fofana, Joseph Godwin, Kingsley Okoadion, Sharon Omoreuyi, Marvelous Omoreuyi, Treasure Omorowa, Daniel Omorowa, Blessing Osawaru, Mary Osawaru, Joy Otasowie, Success Otasowie, Dosso Soualiou, Junior, Blessing Yacoubou, Moubarak Yacoubou
Commissionné par Manifesta 13 Marseille et  VIA Art Fund
Avec le soutien d’Ammodo
Courtesy de l’artiste et James Cohan NY

Un « crime de solidarité » est un terme informel que les défenseur·se·s des droits humains utilisent pour dénoncer la criminalisation de l’aide apportée aux personnes sanspapiers en France. Face à cette interdiction de l’État de dispenser des soins et de faire preuve de solidarité, Tuan Andrew Nguyen examine la façon dont nous écoutons les autres et dont nous racontons nos propres histoires. Ainsi, il montre comment la mémoire et la voix peuvent servir à résister contre l’effacement et le traitement des personnes comme des objets jetables.

Le Squat Saint-Just, un centre d’hébergement temporaire créé fin 2018 par les bénévoles du Collectif 59 Saint-Just, a accueilli jusqu’à 300 personnes migrantes sans-papiers. Fournir des solutions d’hébergement aux demandeurs et aux demandeuses d’asile constitue une obligation légale. Pourtant, les institutions publiques ne le font généralement pas. En juin 2020, les habitant·e·s ont reçu un avis d’expulsion longtemps redouté, quelques jours seulement avant qu’un incendie ne se déclare et ne les contraigne à évacuer complètement les lieux. Il·elle·s se sont donc rapidement retrouvé·e·s à la rue de nouveau ou hébergé·e·s dans des logements temporaires disséminés dans tout Marseille.

Réalisé en collaboration avec d’ancien·ne·s résident·e·s du Squat Saint-Just, le projet prend la forme d’un film muet où les dialogues manquant sont interprétés en direct dans l’espace d’exposition. Chacun·e des acteurs et actrices synchronise sa voix avec son image à l’écran, l’acte de se souvenir et de raconter créant ainsi un nouveau cadre à leurs différentes relations. Au fur et à mesure qu’il·elle·s se produisent, leurs identités se précisent et se floutent, simultanément incarnées et désincarnées.

Entre le moment où elles quittent leur pays d’origine et celui où elles arrivent en Europe, les personnes migrantes doivent « produire » leur histoire un nombre incalculable de fois. Leur « histoire » devient une monnaie d’échange dans leurs vies personnelle mais surtout dans un contexte administratif. Dans ces espaces transitoires, que signifie offrir une histoire ou en recevoir une ? Cet espace entre récit et écoute est-il un espace de possibilités ? L’empathie peut-elle devenir une forme de résistance ? L’écoute peutelle être un acte de solidarité ?

Oeuvre conçue à l’occasion de Manifesta 13 Marseille

{"autoplay":"true","autoplay_speed":"3000","speed":"300","arrows":"true","dots":"true","rtl":"false"}