Pierre Guyotat, Sans titre, 1942
28 dessins réalisés entre 2015 et 2017
Crayon, encre et crayon de couleur sur papier
Courtesy de l’artiste et Cabinet London
L’expérience de Pierre Guyotat (1940-2020) en tant que soldat français pendant la guerre d’indépendance de l’Algérie l’ont amené à développer un type d’écriture entièrement nouveau. La brutalité dont il a été témoin en Afrique du Nord a poussé Guyotat à refuser l’amalgame entre littérature et civilisation. Au lieu de cela, il traita la langue comme une matière physique par le biais de mots déformés, d’assauts verbaux et d’images obscènes, le menant à développer le concept de « matière écrite », sorte de « sécrétion » qui se perçoit oralement, visuellement et architecturalement. À propos de Le Livre, par exemple, il expliqua un jour : « Je suis conscient que ce que je fais dans Le Livre ne peut être compris sans que je déclame le texte, que je le prononce en public. »
Mais l’expression la plus célèbre de la démarche de Guyotat reste peut-être le livre Eden, Eden, Eden – une évocation hallucinatoire des horreurs de la violence sexuelle pendant la période coloniale –, interdit en France l’année de sa publication. Pour Guyotat, le manuscrit était lui-même une œuvre visuelle : il réalisa donc une peinture spécialement pour la couverture. Guyotat abandonna le dessin après être tombé dans le coma au début des années 1980 et ce jusqu’en 2015. Les œuvres exposées montrent son langage, extrêmement complexe mais direct, provenant de la mémoire et du symbolisme et présentant des scènes de sexualité, de liberté, de joie et d’exploitation.