Né en 1978, Mohamed Bourouissa est un artiste franco-algérien dont la pratique met en évidence pour chacun des territoires dans lesquels il s’immerge, ceux que nos sociétés préfèrent oublier ou maintenir en marge. Précédés d’une longue phase d’immersion, chacun de ses projets propose un autre cadre narratif. À l’encontre des constructions médiatiques faussement simplistes, l’artiste réintroduit de la complexité dans les représentations. « L’œuvre de Bourouissa », explique Carlos Basualdo, « s’intéresse toujours à des situations liées à l’émergence d’une configuration de forces économiques et politiques, à des moments spécifiques de l’histoire contemporaine, lorsque certains sujets sont menacés et leur capacité d’agir est mise à mal. Bien qu’explicitement critique envers la notion d’humanisme dans son acception coloniale occidentale, le travail de Bourouissa tente toujours de rendre à ces sujets résilients leur pouvoir et de leur redonner une certaine dignité. »
Mohamed Bourouissa, HARA!!!!!!hAAARAAAAA!!!!!hHARAAA!!!, 2020
Œuvre sonore
Voix : Abdel, Chems, Djamel, Mounir, Skandre
Enregistrement et postproduction : Jean-Baptiste Imbert
Composition musicale : Phantomlove
Installation audio : Gaétan Parseihian
Texte : Guillaume Lasserre
Commissionné par Manifesta 13 Marseille
Avec le soutien de Drosos Foundation
Courtesy de l’artiste, Kamel Mennour et blum&poe
Les expressions « hara » et « aouin », très populaires à Marseille, sont l’apanage des guetteurs postés autour des lieux de vente de drogue. Ils les scandent pour prévenir de l’arrivée de la police afin d’évité aux dealers de se faire alpaguer. Pour Manifesta 13 Marseille, Mohamed Bourouissa se saisit de ces formules quasi incantatoires pour mieux les tordre en imaginant une pièce sonore à la fois poétique et politique. Transformée, déformée au point d’en être désormais inaudible, la locution se fait abstraite, devient cette autre chose mêlant au concept de poésie concrète la forme esthétique du rap. Une mélopée, un chant d’oiseaux qui doit être compris comme une alarme. Prenant acte du climat d’hyper contrôle constitutif de la violence qui prévaut dans les sociétés contemporaines, l’artiste renverse ici les codes pour faire du signal détourné des guetteurs, le cri symptomatique d’une prise de conscience. Le mot étiré à l’extrême devient un simple son, éminemment minimal. Répété tel un mantra, il conduit à une forme de transe, réveille une théurgie ancestrale.
La pièce sonore de Mohamed Bourouissa se comprend comme la matérialisation parfaite du Cri de Munch, celui qui dévisage, qui exprime l’effroi, agit comme un électrochoc, réveille l’humanité. C’est cette figure du peintre norvégien à l’expressionisme torturé que convoque l’artiste pour en faire le lanceur d’alerte de l’état présent. Les ondes sonores, complaintes devenues antiennes, se font parfois le vague écho d’une expression si populaire qu’elle emplit, de voix en voix, les rues des quartiers de Marseille. Elle sonne ici le tocsin. Avec une infinie délicatesse, Mohamed Bourouissa nous invite à prendre conscience du monde tel qu’il est.
* Oeuvre conçue à l’occasion de Manifesta 13 Marseille
Yalda Afsah*,Mohamed Bourouissa*,Julien Creuzet*,Barbara Wagner et Benjamin de Burca*,Ymane Fakhir*,Tuan Andrew Nguyen*,Reena Spaulings,Mounir Ayache*
09.10 - 29.11.2020 Reporté - Séance d’Ecoute # 5 Ecouter le vivant par Radio Grenouille en collaboration avec
Mohamed Bourouissa*
01.10 - 01.10.2020