Au cours d’études très libres de philosophie et de psychologie, Max Ernst (1891-1976, DE/FR) s’imprègne de l’esprit des romantiques allemand.e.s, s’intéresse aux productions des malades mentaux.ales et découvre, par son amitié avec A. Macke, les débuts de l’Expressionnisme dont il subit l’influence dans ses premières œuvres. La complicité de Arp et les provocations du groupe dadaïste de Cologne qu’ils fondent avec Baargeld lui permettent de surmonter le choc de la guerre et de définir un style nouveau, conjuguant l’influence de De Chirico avec les surprises du collage pour obtenir « la rencontre fortuite de deux réalités distinctes sur un plan non convenant ». Invité par Breton, il expose à la galerie « Au sans Pareil » en mai 1921, apportant une contribution essentielle au Surréalisme naissant dont il restera en toute liberté, malgré brouilles et excommunications, l’un des plus grands et plus fidèles témoins. Appliqués à tous les supports, les procédés du collage, du frottage à partir de 1925, puis du grattage et de la décalcomanie lui permettent de réaliser une œuvre hallucinatoire d’une extraordinaire diversité. Elle explore et objective l’inconscient d’un observateur délibérément détaché, le « supérieur des oiseaux », par l’interprétation du hasard dans la juxtaposition d’images incongrues et d’associations analogiques. Dès la fin des années 1920, le peintre est ainsi l’interprète visionnaire et prémonitoire d’un monde menacé par la décomposition, dévoré par d’étranges proliférations biomorphiques. La guerre le surprend à Saint-Martin-d’Ardèche où il s’était installé en 1938 avec Léonora Carrington et il transite par plusieurs camps français d’internement (aux Milles avec Bellmer, par exemple), subsistant grâce à l’aide de Joë Bousquet, avant de retrouver André Breton et les surréalistes installés à Marseille en 1940-1941. Avec l’aide de l’avocat Gaston Defferre, de Varian Fry et de Peggy Guggenheim, il peut passer aux États-Unis où il va exercer une influence certaine sur la nouvelle génération de peintres. Salué, grâce à Paul Éluard, par une exposition à Paris, en 1945, galerie D. René, Max Ernst, revient en France en 1949, s’installe à Huismes près de Chinon en 1955, puis à Seillans en 1964.
En 1927, Ernst utilise des ficelles comme stimulateurs du hasard dans les frottages de certaines de ses meilleures peintures (La Horde). Mais il ne conservera rien de leur caractère hallucinatoire lorsqu’il renouera près de quarante ans plus tard avec cette technique à la suite de son installation avec Dorothea Tanning à Seillans dans le Haut-Var. Les délinéaments imprévus ne révèlent cette fois ni la rumeur céleste de Aux 100 000 colombes (1925, coll. Part.), ni les visions romantiques de l’Œil du silence (1943, Musée de Saint-Louis) mais plutôt la fantaisie amusée de Logique sans peine de Lewis Carroll qu’il illustre en 1966. Tableau de fête vivement coloré, fête de village provençal et fête d’une nouvelle vie engagée dans la lumière du Midi, qui a pu faire penser aux puzzles de l’Hourloupe réalisés au même moment par Dubuffet mais qui s’en trouve très éloigné par une interruption ambiguë d’une joyeuse population de gnomes à têtes d’oiseaux. Tableau néanmoins isolé dans l’œuvre (avec son pendant, Un Nid d’hirondelles, 1966), la Fête à Seillans était très appréciée de l’artiste qui posa à plusieurs reprises auprès de lui (Quinn, 1976), affirmant alors volontiers que « la fête est aussi révolutionnaire que la provocation ».
Max Ernst, La fête à Seillans, 1964
Huile sur toile
Donation en 1982
Centre Pompidou, Paris, Musée national d’art moderne — Centre de création industrielle
En dépôt au Musée Cantini, Marseille
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate en septembre 1939, le surréaliste Max Ernst est arrêté comme étranger ennemi et interné au Camp des Milles, près d’Aix-enProvence. Il est libéré peu après, mais se trouve bientôt de nouveau arrêté par la Gestapo, dans le sillage de l’occupation allemande de la France. En 1941, il est forcé de s’enfuir vers les États-Unis. Ernst reviendra néanmoins en France dans les années 1950 et s’installera finalement à Seillans dans les années 1960 et 1970. Le tableau La fête à Seillans (1964) est une célébration de la couleur soigneusement composée, tandis que ses formes énigmatiques suggèrent une masse de corps interconnectés vibrants et joyeux via des visages qui nous observent, des bouches ouvertes et des jeux de tétons. Dans le Manifeste du Surréalisme on peut aussi lire « Sade est surréaliste dans le sadsime ». Ernst lui-même aimait particulièrement ce tableau et posait souvent à côté de lui pour des photographies. Il affirme à l’époque : « La célébration est aussi révolutionnaire que la provocation ».