Né en 1977 en Guyane-française, Mathieu Kleyebe Abonnenc est un artiste, chercheur, commissaire et programmateur de films qui explore les zones négligées par l’histoire coloniale et post-coloniale. En procédant par extraction et excavation, l’artiste aborde les thèmes de l’absence, la hantise et la représentation de la violence. Mathieu Kleyebe Abonnenc œuvre à la réinscription, dans l’histoire collective, de personnalités et de matériaux culturels passés sous silence. Sa pratique engage souvent la collaboration d’acteurs de divers champs disciplinaires et incorpore la production de dessins, films, diaporamas et dispositifs discursifs. Elle prend souvent pour point de départ une interrogation, un tissage d’affiliations et une réflexion sur le rôle des images dans la formation des identités. 

Mathieu Kleyebe Abonnenc, Secteur IX B, 2015
HD video, colour, sound
41’58”
Courtesy of the artist

Le point de départ du film Secteur IX B a été la découverte d’un vieil album de photos familial contenant des clichés d’objets, d’individus, de familles, d’officiers et de paysages. Toutes ces photos ont été prises au Gabon par le grandpère de l’artiste sur une période de trois ans, de 1931 à 1934. Secteur IX B est un film de fiction, presque de science-fiction, qui mêle des questions politiques aux récits scientifiques et artistiques influençant les relations nationales et internationales au sein de l’ancien empire colonial. Le projet propose une nouvelle lecture de la démarche individuelle de collectionner et classer les objets, à l’aune de l’histoire collective. Parmi toutes les campagnes de collecte, la Mission Dakar-Djibouti et son rôle dans la création du Musée de l’Homme est l’exemple le plus significatif, particulièrement grâce au journal de Michel Leiris.

Secteur IX B traite des politiques d’appropriation culturelle – des lieux et des modes de production du savoir – ainsi que de la manière dont nous pouvons aujourd’hui remettre en question cet héritage scientifique. D’une part, le film vise à subvertir l’homogénéité des récits d’aventures scientifiques dans un contexte colonial ; d’autre part, il interroge la place qu’occupait chaque individu – dans ce cas précis le grand-père de l’artiste – dans les processus d’appropriation culturelle et d’accumulation de richesses symboliques et économiques. Le personnage principal est une jeune anthropologue qui tente de redéfinir les limites de sa discipline. Pour ce faire, elle recrée les prescriptions pharmaceutiques données aux membres de la célèbre Mission Dakar-Djibouti, puis teste les effets des médicaments sur ellemême. Elle tombe peu à peu dans un monde fantastique, s’enfonçant dans une hallucination entièrement produite par les substances de synthèse.