28.08 — 29.11.2020

Martine Derain*

Née en 1960 en France, Martine Derain est une artiste et éditrice qui travaille en dialogue et en collectif. Depuis ses premières créations en France, en Palestine ou au Maroc, elle noue récits d’histoires collectives et espace public. Les livres qu’elle publie au sein des éditions commune, qu’elle a fondées en 2010, comme les films dont elle est aujourd’hui la « conteuse », sont des fables documentées dont les lignes narratives entremêlent art et politique, urbanisme et poésie. La mise en récit d’archives trouvées ou confiées, institutionnelles ou personnelles – fonds constitués au cours de longs compagnonnages avec des lieux ou des êtres – y tient une place essentielle. 
Elle se préoccupe également de prendre soin de lieux de création et de production marseillais, comme La Compagnie, lieu d’art contemporain, et le Polygone étoilé, dédié au cinéma « non-aligné ». 

Martine Derain , Républiques, 2006
Tirages digitaux
Courtesy de l’artiste

La rue de la République traverse le cœur de Marseille. Ses logements ont été construits au même siècle que le Musée Grobet-Labadié. Destinée à la bourgeoisie du XIXe siècle, la rue sera finalement habitée par des ouvrier·ère·s du port et la classe moyenne. Elle se vide progressivement de ses résident·e·s dès 1975, après le choc pétrolier, quand Marseille perd des milliers d’habitant·e·s. Au début des années 2000, les trois quarts des appartements sont vides. Après une série de reventes des immeubles à divers investisseurs financiers, soutenus par la municipalité d’alors, les habitant·e·s de la rue sont sommé·e·s de partir. Une mobilisation exemplaire s’ensuit, qui verra nombre d’entre eux·elle·s relogé·e·s sur la rue même. Aujourd’hui, de nombreux immeubles restent vides : trop chers pour les pauvres, pas assez attrayants pour les riches. Conjointement avec une équipe d’universitaires, de militant·e·s et d’habitant·e·s de la rue, Martine Derain, artiste et éditrice installée à Marseille, a documenté un certain nombre des logements vides qui longent la rue de la République. Les images présentées dans la cage d’escalier du musée ont été produites ou collectées au cours de ce projet et ont également été montrées lors de l’exposition Archives Invisibles #5 Par ses habitants même, dans le cadre du Tiers Programme de Manifesta 13 Marseille.

Martine Derain, Sans titre, 2020
Installation in situ
Courtesy de l’artiste
« Marseille où tout finit » Article de presse  (circa 1950)
Courtesy de Dalila Mahdjoub
Fonds Photographique de Grégoire Keussayan [sélection] (1970-1980)
Manifestation du 9 mars 2006, vidéo (24:53 min.)

Le quartier Belsunce est un quartier central de Marseille, historiquement lieu de passage et d’accueil pour les travailleurs venus du Maghreb. Nombre d’entre eux, une fois retraités, ont choisi de continuer à y vivre, souvent dans des hôtels meublés dégradés. Au début des années 2000, la municipalité lance un plan de rénovation urbaine dont ils seront les premières victimes. Encore une fois, l’association Un Centre-Ville Pour Tous sera à leur côté. L’assemblage présenté ici par Martine Derain donne à voir des fragments de cette histoire : un article de presse, où l’on voit le Ministère du Travail et de la Sécurité sociale, installé au début des années 1950 au Fort Saint Jean (près du Mucem), quand la « porte du travail » était alors grande ouverte ; une série de clichés de Grégoire Keussayan (un photographe de quartier, issue d’une famille arménienne et française) où ces mêmes travailleurs arrivés en France se faisaient photographier pour envoyer de leurs nouvelles à la famille restée au pays ; une vidéo montrant ces vieux travailleurs, debout, aujourd’hui, luttant à nouveau pour leurs droits après qu’une directive des Impôts veuille à nouveau les expulser de leur maison.

Oeuvre conçue à l’occasion de Manifesta 13 Marseille

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