Arthur Rimbaud (1854 – 1891, FR), poète
Arthur Rimbaud, Manuscrits, 1891 © Musée Arthur Rimbaud, Ville de Charleville-Méziêres
Arthur Rimbaud, Photographies, 1883 © Musée Arthur Rimbaud, Ville de Charleville-Méziêres
L’activité littéraire d’Arthur Rimbaud n’aura duré que cinq ans. Une partie de son poème Une saison en enfer, « Mauvais sang », est une exploration approfondie des origines généalogiques du narrateur, qui aboutit à la conclusion suivante : « Il m’est bien évident que j’ai toujours été de race inférieure ». Après 1874, il devient commerçant et explorateur, et, selon lui, ne peut presque plus être associé à son apparence, ses intérêts, sa langue ou même sa voix d’avant. Bien que sa correspondance prolifique de l’époque continue de le lier à l’écriture, elle documente avant tout son agitation intérieure ainsi que ses préoccupations pratiques et commerciales.
Ayant fait le tour de son ancien moyen d’expression, Rimbaud développe une fascination pour les techniques visuelles de la photographie. Ces images témoignent de sa nouvelle existence. Blanchies, passées, développées dans une eau sale, les sept photographies qui nous sont parvenues de cette expérience de dix-huit mois sont, pour près de la moitié d’entre elles, des autoportraits. Deux clichés le montrent sur la terrasse de sa nouvelle maison et dans le jardin de bananiers, incarnant l’essence de sa nouvelle identité dans l’exil qu’il s’est imposé en Abyssinie (aujourd’hui Éthiopie). Ces photos montrent également son proche ami et assistant grec Constantin Sotiro, le marché de Harar et le mausolée de Cheikh-Ubader. À travers ces images, il se voit comme « littéralement un Autre, un artefact colonial renvoyé à la France sous une forme altérée ». « Je suis devenu un squelette, je fais peur », dit-il dans une lettre écrite à Aden et envoyée le 30 avril 1891, alors qu’il voyage à destination de Marseille.
Voyelles
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d’ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrement divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
– O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !