28.08 — 29.11.2020

André Masson

L’œuvre d’André Masson (1896-1987, FR) est marquée par l’expérience dramatique de la guerre (il est grièvement blessé au chemin des Dames en 1914) et par une relation passionnelle et orageuse entretenue avec le groupe surréaliste, qu’il intègre en 1924 et dont il est exclu quatre ans plus tard, avant d’y adhérer à nouveau entre 1936 et 1945. Avec Miró, il loue un atelier rue Blomet en 1923, que fréquentent Hemingway, Artaud, Robert Desnos, Gertrude Stein, Michel Leiris et Max Jacob. Un contrat signé en 1922 avec Daniel-Henry Kahnweiler lui permet de se consacrer à l’art.    

Aux dessins automatiques réalisés en 1924-1925 succèdent les « tableaux de sable » peints entre 1926 et 1927, dans lesquels il se rapproche d’une certaine abstraction. Après avoir collaboré à la revue Minotaure (1933) et créé Acéphale avec Georges Bataille (1936), il prend part à l’exposition « Fantastic Art, Dada, Surrealism » qui se tient au MOMA de New York en 1936. Au cours de cette deuxième période surréaliste, Masson lit Héraclite, Nietzsche et Goethe, réalise une série de portraits des romantiques allemands et participe, réfugíé à Marseille entre novembre 1940 et mars 1941, aux différentes activités collectives initiées par Breton, dont la réalisation du fameux Jeu de Marseille. Quittant la France le 31 mars 1941, il fait escale en Martinique pendant trois semaines, débarque à New York le 29 mai, puis s’installe à New Preston, dans le voisinage de Calder, où il fréquente, outre Breton exilé comme lui, Gorky, Chagall et Georges Duthuit. Son œuvre ainsi que les conférences qu’il donne dans diverses universités exercent une influence immédiate sur les jeunes.   

Jeu de Marseille

Parmi les nombreuses réalisations des artistes et écrivain·e·s rassemblé·e·s à la Villa Air-Bel, la plus marquante est certainement le Jeu de Marseille – clin d’œil aux fameux « tarots de Marseille », qu’André Breton étudiait à l’époque. Les Surréalistes réinventèrent l’iconographie d’un jeu de carte classique, reprenant les figures et des symboles fétiches du mouvement. Les couleurs deviennent la flamme de l’Amour (représentée par Baudelaire, la Religieuse portugaise de Stendhal et Novalis), l’étoile noire du Rêve (Lautréamont, Alice de Lewis Carroll et Sigmund Freud), la roue sanglante de la Révolution (le Marquis de Sade, Lamiel et Pancho Villa) et la serrure de la Connaissance (Hegel, Hélène Smith et Paracelse). Les rois deviennent génies, les dames se muent en sirènes et les valets en mages.

Un tirage au sort détermine la conception des différentes cartes : Victor Brauner (Hegel et Hélène Smith), André Breton (Paracelse et l’As de Connaissance), Jacques Hérold (Lamiel et Sade), André Masson (La Religieuse portugaise et Novalis), Max Ernst (Pancho Villa et l’As d’Amour), Jacqueline Lamba (As de Révolution et Baudelaire), Wifredo Lam (Alice et Lautréamont) et Oscar Dominguez (Freud et l’As de Rêve). Au joker est assignée la figure du Père Ubu telle que l’avait dessinée Alfred Jarry. Frédéric Delanglade conçoit quant à lui le dos des cartes et est ensuite chargé de standardiser les cartes en les redessinant d’un trait continu. Elles sont publiées pour la première fois en 1943 dans le troisième numéro de Revue WW, puis éditée en 1983 par André Dimanche.

 

André MassonThe Refuge, Musée Cantini. André Masson, La Religieuse portugaise. Sirène d'amour - Flamme. 1941. Collection Musée Cantini, Marseille