28.08 — 29.11.2020

Sara Ouhaddou*

Née en France, en 1986, d’une famille Marocaine, la double culture de Sara Ouhaddou façonne sa pratique artistique comme un langage continue. Débutant sa carrière comme créatrice de mode, elle développe ensuite une pratique plus artistique et sociale, abordant les défis rencontrés par les artisan.e.s marocain.e.s. Elle questionne le rôle de l’art comme outil de développement économique, social et culturel, tout particulièrement dans le monde arabe. En nous faisant partager ses interrogations sur les transformations de son héritage, elle met en tension les arts traditionnels marocains et les codes de l’art contemporain afin de mettre en perspective les réalités culturelles oubliées.  

En résidence à FRAEME, à Marseille, durant quatre mois, en 2019, elle poursuit ses recherches sur l’histoire des alphabets, révélatrice de celle des identités et des développements – voir des remplacements – successifs d’une civilisation par une autre. Elle se penche sur l’histoire de Marseille, s’intéressant aux passages peu connus et aux objets retrouvés dans les différentes fouilles archéologiques de la ville et ses alentours, qui introduisent un doute ou déconstruisent les histoires complexes de la ville. 

Sara Ouhaddou, Je rends ce qui m’appartient / Tu me rends ce qui t’appartient, 2020
Etagères d’archives, céramique, savon, tables pliantes, led screen
Commissionné par Manifesta 13 Marseille
Produit en collaboration avec le Musée d’Histoire de Marseille, la Savonnerie du Fer à Cheval et Triangle France – Astérides
Céramique : Cérafine Limoge
Avec le soutien d’Ammodo et Drosos Foundation
Courtesy de l’artiste 

Au Musée d’Histoire de Marseille, Sara Ouhaddou présente aujourd’hui d’étranges objets, tout droit sortis d’une fouille archéologique encore inconnue des habitant·e·s de la ville. Sur les étagères de réserves fictives, mystérieusement déplacées à l’entrée du musée, là où le centre commercial s’achève, les visiteur·se·s peuvent découvrir les vestiges de ce qui semble être l’une des formes architecturales les plus anciennes et partagées par de nombreuses civilisations : la colonne.

Pourtant si l’on y regarde de plus près, l’on découvre d’étranges anomalies : faites de savon de Marseille, direct héritier du savon d’Alep, leur matière évolue ; des corps étrangers, os en céramique des objets de la fouille, y sont fichés. Ces colonnes, organiques et minérales, sont faites des savoirs échangés au Moyen-âge entre le monde arabo-andalous et Marseille, et témoins de l’intérêt de l’artiste pour les récits méconnus qui créent des doutes dans l’Histoire.

Plus loin, sont disposés les fragments qu’on devinait tout juste, entre l’étal de marché et la table de travail de l’archéologue. À la frontière du musée, de la réserve archéologique, du centre-ville et du centre commercial, l’artiste réaffirme la dimension mouvante de l’Histoire et de son écriture, interrogeant les choix de nos prédécesseur·se·s.

Ainsi, fascinée par ce lieu autant dédié à l’Histoire qu’à la production de savoirs et d’objets, Sara Ouhaddou propose une œuvre conçue, produite et exposée au Musée d’Histoire de Marseille, qu’elle perçoit comme un lieu fait de paradoxes et de parallélismes. L’œuvre interroge donc l’hybridation des savoirs et de leurs formes, mais aussi celle des institutions qui les conservent et les donnent à voir. Ici, à Marseille, entre le Musée d’Histoire et le centre commercial, les murs sont poreux.

Sara Ouhaddou, Four à technologie Islamique – Céramique d’origine Orientale et Africaine – Production de terre rouge, 2020
Sérigraphies
Commissionné par Manifesta 13 Marseille
Produit en collaboration avec le Musée d’Histoire de Marseille et Triangle France – Astérides
Avec le soutien d’Ammodo et Drosos Foundation
Courtesy de l’artiste

Si vous avez suivi les panneaux lumineux à but quasi-publicitaire, disposés dès l’entrée du Musée par l’artiste Sara Ouhaddou, vous découvrez à présent la section dédiée au Four de Sainte-Barbe, four à technologie arabo-andalouse datant du XIIIe siècle et retrouvé non loin de là, dans la colline des Carmes. Sa présence, son histoire et son traitement muséographique sont les points de départ du projet que l’artiste développe à Marseille depuis plus d’un an.

Le four lui-même, tout autant que sa présence dans le musée et que la position de celuici, niché entre un centre commercial et un site archéologique, donnent à voir l’histoire des civilisations au cœur du symbole de consommation moderne. Les méthodes ancestrales de fabrication y côtoient les productions industrielles de masse. Partant de l’histoire du four de SainteBarbe, Ouhaddou nous embarque dans ses réflexions sur le choix des histoires narrées et leur mise en valeur, l’héritage d’un des premiers outils de production industrielle de vaisselles et d’objets usuels, les limites physiques de la matière et la dimension expérimentale dans la transmission des savoirs.

En reprenant les terminologies accolées à certains des objets présentés, l’artiste interroge le choix de leur nom en réalisant de grandes sérigraphies où les alphabets se mêlent pour créer un langage nouveau et unique. Elle en recouvre les vitrines, proposant une définition alternative, interrogative et ouvertes aux interprétations des visiteur·se·s.

Oeuvre conçue à l’occasion de Manifesta 13 Marseille
Produit en collaboration avec Triangle France – Astérides

Découvrez l’Interview de l’artiste Sara Ouhaddou ICI

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