28.08 — 29.11.2020

Center for Creative Ecologies*

Isabelle Carbonell (1985, US/BE/UY ) Hannah Mezaros Martin, (1986, IT/US), T.J. Demos (1966, US), avec le projet de Hannah Mezaros Martin en collaboration avec Ñambi Rimai Pan Amazon Media Collective, Yésica Flores Arroyo et Edinson Arroyo Mora

Dirigé par le Professeur T.J Demos, né en 1966 aux Etats-Unis, le Center For Creative Ecologies de l’Université de Californie, Santa Cruz, travaille sur les relations entre l’art expérimental et les pratiques esthétiques, l’écologie politique et la justice environnementale. L’objectif du Centre est de développer des outils de recherche interdisciplinaires, spéculatifs, ludiques et basés sur les pratiques artistiques. Ces outils permettront d’aborder, de manière critique et créative, les préoccupations environnementales et climatiques locales, régionales et mondiales. Il aborde ainsi des enjeux environnementaux, comme le changement climatique d’origine humaine, où l’écologie rejoint les réseaux intersectionnels comprenant les contextes socio-politiques et techno-économiques, les assemblages raciaux et sexuels, et la violence structurelle latente. Le Centre organise des séries de conférences, des expositions, des projections de films, et accueille et supervise régulièrement des post-doctorants et des chercheurs internationaux. 

CENTER FOR CREATIVE ECOLOGIES (Isabelle Carbonell, Hannah Meszaros Martin, T.J. Demos) (collectif, États-Unis)  
Commissionné par Manifesta 13 Marseille 
Avec le soutien de Luma Foundation
Courtesy des artistes 

L’écologie de guerre ne suscite pas uniquement la solidarité, mais aussi l’effondrement, la survie au cœur de la violence. Les conflits s’accompagnent d’exploitations économiques et d’assauts militaires envers l’environnement et les écologistes, tandis que la biodiversité et la coexistence des espèces se trouvent gravement menacées. Dans la présentation de son travail de curation, le Center for Creative Ecologies propose deux études de cas artistiques s’interrogeant sur les types de plurivers possibles face aux différentes sortes de violences socio-écologiques. La première est consacrée à la criminalisation de la vie non humaine dans le Putumayo, département du sud de la Colombie, par Hannah Meszaros. La seconde s’intéresse au travail surréaliste de science-fiction portant sur l’extinction de Mar Menor, une lagune d’eau salée dans le sud-est de l’Espagne, réalisé par Isabelle Carbonell. Ces études font partie du projet de recherche en cours Beyond the End of the World mené par le Centre, qui s’attache à mettre en lumière les interstices d’espoir qui émergent au beau milieu de paysages de désolation. L’écologie de guerre identifie non seulement les entreprises néolibérales qui profitent du dérèglement climatique pour mettre en place des politiques autoritaires, mais se démène également – à l’échelle humaine et au-delà – pour trouver des moyens de transcender les forces des inégalités socio-économiques et du désastre politico-environnemental. 

 

Isabelle Carbonell, A Mirror of the Cosmos / Un miroir du cosmos, 2020
Projection vidéo
90’ 
Avec le soutien de the Princess Grace Foundation  
Courtesy de l’artiste 

A Mirror of the Cosmos est un documentaire de science-fiction de quatre-vingt-dix minutes, qui explore le processus ayant conduit à la quasi-disparition, et bien pire, de la lagune de Mar Menor, située dans le sud-est de l’Espagne et séparée de la Méditerranée par une fine bande de sable. Le film examine la façon dont les influences de l’humain, du crabe bleu, des algues, des méduses, des nitrates, des gisements miniers et des autres facteurs non humains s’entremêlent et témoignent, à une échelle plus large, des conséquences environnementales cumulatives de l’exploitation opérée par le capitalisme au fil de l’histoire. La lagune est un microcosme qui livre un récit complexe de ce que l’on nomme l’Anthropocène, « l’Ère de l’humain ». Le film abandonne le point de vue anthropocentré, pour se focaliser sur la lagune, les massifs environnants, les résidus miniers, les algues et d’autres protagonistes plus qu’humains, dans le but de dresser le portrait d’un écosystème fluctuant. Et de poser l’ultime question : à quels types d’avenirs cette mutation de l’écosystème aquatique ouvre-t-elle la voie ? 

 

Isabelle Carbonell, Portal Blooms, 2020
Installation sonore multimedia
Enregistrement et création sonore : Andres Camacho 
Réalisation électronique et programmation : Steven Trimmer 
Courtesy de l’artiste 

Portal Blooms est une cabine d’écoute interactive, où le public découvre une radio dont il peut changer la fréquence, chaque station étant rattachée à un futur imaginaire de Mar Menor. Les lagunes comme Mar Menor sont des passerelles fractales, qui relient des continents tout entiers, des civilisations existantes et éteintes, des humains et des non humains, des sédiments et des atomes. Les milieux aquatiques nous dévoilent une autre façon de construire le monde, où l’assemblage d’un écosystème lotique « donne accès, non pas à un savoir unique sur ce qui nous entoure, mais à une multiplicité de possibles » (Omura 2018). En tant que tel, Mar Menor est un site idéal, possédant de nombreux accès à d’autres univers, à d’autres manières de penser, à d’autres futurs. Il s’agit d’un portail, susceptible de créer une passerelle entre deux mondes, de connecter le passé et l’avenir, mais également d’incarner une rupture. 

 

Hannah Meszaros Martin, Falta de Luz / Manque de lumière / Lack of Light, 2020
Projection vidéo  
20’
Réalisation, conception et production : Hannah Meszaros Martin
Montage : Manuel Correa et Hannah Meszaros Martin
Conception sonore : Emil Olsen
Interview ‘Taita’ conduit en collaboration avec Andrés Monzón-Aguirre 
Consultant aux archives : Emily Coxe
Courtesy de l’artiste 

Le film Falta de Luz est un chapitre tiré d’un projet de long-métrage qui interroge les représentations visuelles de la violence environnementale, intrinsèquement liée à la violence politique. Il s’intéresse aux conséquences de la destruction systématique – bien que sanctionnée par la loi – des plantations de coca colombiennes par fumigation aérienne de glyphosate, un herbicide bien connu. Le film retrace l’histoire de la fumigation avant son arrivée dans le pays, en s’appuyant sur des images tirées des archives de la DEA (agence fédérale américaine de lutte contre la drogue). Ces séquences apportent la preuve d’expériences d’éradication réalisées par les États-Unis dans leurs propres parcs nationaux dès le début des années 1980 – un acte depuis lors oublié. Elles révèlent que la stratégie américaine adoptée dans le combat contre le trafic de stupéfiants était conçue comme une lutte contre le monde naturel, une logique qui a ensuite été appliquée aux forêts colombiennes. 

 

Hannah Meszaros Martin , Memoria ambiental and the future archives of war / Mémoire environnementale et les archives futures de la guerre, 2020
En collaboration avec  Ñambi Rimai Pan Amazon Media Collective, Yésica Florez Arroyo et Edinson Arroyo Mora  

 Il s’agit ici d’un projet d’archives en chantier, consacré à la memoria ambiental (mémoire environnementale) de la guerre en Colombie. Les archives examinent différentes pratiques de documentation qui consignent la mémoire de la terre. Basé sur une analyse de la justice transitionnelle en cours en Colombie, ce corpus visuel spécule sur le rôle des images dans les situations de violence environnementale et de manière plus générale sur celui des futurs forums de justice. La présentation comprend une sélection de courts-métrages et de peintures créés par des artistes de Putumayo, dans le sud de la Colombie. La constitution de ces archives ouvre des discussions sur les preuves, la mémoire et la justice transitionnelle, dans l’optique d’inclure le monde naturel comme sujet ayant également subi la brutalité de la guerre. Si l’on considère les dynamiques de la violence politique et de la violence environnementale comme intrinsèquement liées, alors un corpus d’images peut contribuer à rendre visibles les injustices et possible la justice. Il a également le pouvoir d’apporter de la substance à ce qui n’est pas nommé, ce qui a disparu, ce qui a été effacé et ce qui a été détruit. 

 

Ñambi Rimai Pan Amazon Media Collective, IACHACHIDUR / El Maestro (Participatory Documentary) /IACHACHIDUR / Le maître (documentaire participatif), 2019
Moniteur TV, HD
11’
Courtesy de l’artiste

Ce documentaire est un portrait de Taita Paulino Mojomboy, un guérisseur et leader spirituel et politique, qui est parvenu à utiliser des médecines ancestrales pour accompagner un processus de restauration culturelle et de réajustement épistémique au sein du peuple Inga de Putumayo, du sud de Cauca et de Nariño. Taita Paulino est un fervent protecteur de la terre et œuvre comme un médiateur entre les plantes sacrées, le territoire et les efforts actuels du peuple Inga en vue de la création d’un État. 

 

Ñambi Rimai Pan Amazon Media Collective, Norelly (Participatory Documentary) / Norelly (documentaire participatif), 2019  
Moniteur TV, HD
18’
Courtesy de l’artiste 

Norelly, petite-fille de Taita Paulino, est une jeune représentante du peuple Inga. Elle a grandi dans les années1990, l’une des périodes les plus violentes de l’histoire moderne de la Colombie, et a constaté les sacrifices réalisés par sa famille pour protéger son héritage ancestral et son mode de vie, dans une région en proie aux conflits armés et aux influences extérieures. Comme nombre de jeunes indigènesNorelly est tiraillée entre deux mondes et doit sans cesse choisir entre abandonner la culture et les valeurs défendues par ses proches ou y intégrer de nouveaux principes

 

Yésica Florez Arroyo, La Guerra Blanca / La guerre blanche / The White War, 2020
Dix peintures sur toile : acrylique, huile, vernis de protection, texture (journaux)

Yésica Florez Arroyo, Un mundo sin fin / Un monde sans fin / An Endless World, 2014
Acrylique sur carton
Courtesy de l’artiste 

 « Vivre au beau milieu d’une région où pousse la coca ne me laisse que deux options : la première, travailler la terre, cultiver et récolter la coca ; la deuxième, peindre ma réalité. Ces tableaux représentent mes émotions, ma vie quotidienne, ils émanent du besoin de réfléchir au mode de vie que l’on adopte dans une zone de conflit du sud de la Colombie.» 

Vivir en medio de una zona cocalera me da dos opciones: uno, trabajar el campo cultivando coca y cosechando está, o dospintar mi realidad; este trabajo representa mis sentimientos, mi vida cotidiana, es una necesidad de reflejar el cómo vivimos en una zona conflictiva en el sur de Colombia.’ 

 

Edinson Arroyo Mora, Entre Cocales / Between Cocales, 2016
Moniteur TV
22’
Courtesy de l’artiste 

Un jeune homme retourne sur sa terre natale, San Miguel Putumayo dans le sud de la ColombieSe remémorant son enfance marquée par l’abondante époque de la coca, il part à la recherche de son identité dans la réalité actuelle de son pays d’origine, où il était – et demeure – affecté par les pratiques d’éradication et de fumigation aérienne au moyen de l’herbicide glyphosate. 

* Oeuvre conçue à l’occasion de Manifesta 13 Marseille

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